Hergé - Le Lotus bleu - Tintin, tome 5 (1936)
Cet album, l'un des plus célébrés de la série, est important. D'une part, il introduit le personnage de Tchang, l'amitié qui l'unit à Tintin sera le moteur du meilleur album de la série, d'autre part il met véritablement pour la première fois son héros en prise avec l'Histoire.
De plus, Hergé prend soin de récuser un racisme ordinaire dans plusieurs cases où il confronte vision stéréotypée des Européens et réalité ; du moins l'essaie-t-il. En effet, tout occupé qu'il est à apporter son soutient aux Chinois et à vilipender les Japonais (non sans raison), il verse allègrement dans une représentation pour le moins tendancieuse : tous les Japonais se ressemblent et ont les dents longues. Traits physiques pour traits de caractère, procédé classique en BD diront certains ; peut-être mais tout de même il y a un certain malaise car chez Hergé les Japonais sont des requins, les Africains des imbéciles, les Incas des benêts, ...
Plus problématique est ici la question de la gestion de l'action et du rythme, l'équilibre entre Histoire et aventure. La faute à un scénario parfois trop léger (tantôt Tintin n'est pas tué au mépris de toute vraisemblance, tantôt c'est un stratagème des plus alambiqués qui lui permet de s'en sortir. Trop de lapins dans le chapeau) et parfois trop dense. Ce n'est pas que cet album ne soit pas intelligible, le talent du Belge y est pour beaucoup dans cette réussite, mais il oscille toujours entre tribune politique pesante et pure aventure, les deux facettes ne se complètent pas mais se nuisent.
Le Lotus bleu n'est donc pas un mauvais album, bien au contraire, mais il n'est pas un chef-d'œuvre. Il s'agit plus simplement d'une étape importante dans une série encore jeune et qui n'a pas encore totalement trouvé sa voie. Ce n'est déjà pas mal.