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Le metteur en scène polonais - Antoine Mouton

Publié le

La quatrième de couverture résume assez bien ce premier roman, « le metteur en scène polonais devient fou, dit-on. »

Tout le roman est là. Narrativement d'abord, le metteur en scène devient fou, c'est que l'on dit, c'est ce qu'on pense, c'est ce que lui-même croit et cette incertitude, qui n'en est pas une, guide l'histoire ; et stylistiquement ensuite. Le roman ne parait constitué que de précisions, de mises au point plutôt, parce qu'on ne peut pas dire « de mises en virgule », ce qui est regrettable tant cette ponctuation abonde dans l'écriture d'Antoine. La chose n'est pas nouvelle, dès son premier texte publié, le très beau Au nord tes parents, le point s'effaçait devant la virgule. Ce qui est nouveau par contre, c'est que désormais la virgule arrête, hache, stoppe la lecture, elle n'est plus cette vague qui nous plonge dans un flot continu, mais une barrière qui vérifie que l'information donnée est exacte avant de nous laisser poursuivre notre voyage quelque peu épuisé par ces contrôles permanent ; la virgule comme une guérite sur la route de l'information délivrée au lecteur, épuisés comme Ulysse après qu'il a fait un long voyage dans une Europe de barrières, de murs et de douanes, un voyage européen menant de la France, à la Pologne, en passant par la Suède, la Grèce, l'Albanie, le Portugal, la République tchèque, l'Allemagne, l'Autriche.

Pourquoi cette énumération des pays évoqués dans le roman ? Parce qu'elle a quelque chose d'absurde. Et le roman est fait de ça, d'absurde. Il est fait d'un metteur en scène polonais, qui devient fou, partageant des œufs durs avec sa troupe, d'une comédienne enfuie sous une souche, d'un philosophe grec qui sent le chien, de précisions de prime abord inutiles mais sans cesse répétées et devenant ainsi essentielles. Cette absurdité nous gagne peu à peu au moins autant que ce qui la fonde nous fatigue. Le roman n'est pas déconnecté du monde, il est un miroir déformant, ou plutôt un labyrinthe de miroirs déformants comme ceux des fêtes foraines, où se reflète l'absurdité du monde du théâtre subventionné, du monde contemporain tout court. Mais pourtant si de nombreuses visions font mouche et que l'auteur est assez subtil -il a suffisamment de talent pour ça-, il me reste une sensation désagréable de cynisme, d'un détachement ironique qui me laisse à côté.

 

Billet du 29 août 2015

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